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OUVERTES À

LETTRES

Au phœnix marketing

Lettre expéditive à Guillaume Musso

 

 

 

À chaque nouveau livre, ce stupide saurien fait une mue immuablement idiote. À peine oubliée la peau transparente et vide de sa précédente enveloppe, ce qui nous donne rétrospectivement une idée assez précise de son inconsistance congénitale, voici l’animal paré d’écailles fraîches. Ce minable phœnix marketing triomphant par l’esbroufe qu’impose le pognon, sans scrupules, se pavane sur les devantures nationales des points de vente en gare. Comme le trajet en train va être morne et vain. Regardez plutôt le paysage !

 

À chaque saison, disais-je, la chose satisfaite d’elle-même, en digne prostituée des lettres, reprend la danse promotionnelle de ses torsions lubriques. Je lui écrase du pied la queue frétillante ! Malgré ses contorsions narratives et impensables, je ne me suis pas trompée sur le faux-fuyant de ses intentions : sa prose ne va nulle part ! Il n’a pas bougé et s’est laissé piéger. L’initiative échappe à sa nature prospère, paresseuse, répétitive, programmatique et méthodique. Quoi ! la bête s’est dérobée à elle-même en abandonnant sous ma semelle ferme un de ses attributs. La lâcheté lui a fait sacrifier l’appendice plutôt que de défendre son intégrité. Mais de quelle intégrité parlons-nous, voyons ? Une prose à fric, pleine de rebondissements en toc et de tics narratifs grossiers, ne peut que se vendre ; et tout faire pour échapper au jugement que l’on ne peut acheter.

 

Hélas ! combien de médias conciliants invitent-ils cet énergumène auquel les journalistes servent obséquieusement jusqu’à l’écœurement du « Monsieur l’auteur », du « Grand écrivain », du « Best-stelleur », du « Star writer » ? On « piédestale » ce minus, on lui fait taquiner les nimbus tant que le plafond de ses ventes impressionne les tiroirs-caisses des Rapetou de l’édition et de la grande distribution.

 

Bravo ! Non, non, n’applaudissez pas. Je viens de rater ce lézard de peu. Le sabre est inadapté, trop noble, trop affûté, trop brillant dans le feu de sa course létale, pour atteindre pareille fuyante visqueuse rampante indigne insaisissable portion réduite, organiquement amputée selon les critères d’automutilation de sa veule espèce.

 

Et dire que ce saurien riquiqui descend des immenses dinosaures sous les pas desquels la planète trembla… Et dire que les lecteurs se laissent encore berner par l’objet livresque : non, le livre est mort s’il n’est qu’une enveloppe. Voyez toutes ces peaux dévitalisées et délaissées qui peuplent le cimetière des grands tirages éditoriaux…

 

Autant en emporte le vain…

 

On m’apprend que la queue des lézards repousse ? La prochaine fois, je l’écrabouille !

 

Alexandra Lampol-Tissot

 

 

© Hypallage Editions – 2015

 

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