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« Licence » poétique

 

 

Nous sommes loin du temps où tyrans et fats pour rehausser leur fallacieux prestige, tels Trimalchion, Caligula ou Néron, allaient taquiner la Muse de leurs gros doigts boudinés couverts de bagouses. Les princes actuels de ce monde haïssent la poésie : ils n’ont que statistiques, plus-values et sondages pour eux… ou contre eux. Ce sont des hommes de bilan et de court terme. Ils confondent la Bourse avec l’Olympe ? Par le contre-pied sublime à toutes ces non-valeurs contemporaines, d’évidence, la Poésie les méprise, et bien qu’elle soit démunie économiquement et militairement, nos puissants la craignent parce qu’ils enragent de l’injure qu’elle leur jette à la figure et du pouvoir impérissable que possède sa langue. Vous, poètes, êtes la véritable gloire de ce monde et des autres, d’ailleurs.

 

« Licence » donc, au double sens du terme, tu entoures et qualifies la poésie. Tu es la veule autorisation, la tolérance à peine consentie par les princes à l’égard des poètes, qu’ils ne peuvent interdire sans se discréditer, mais qu’ils craignent en secret, car les racines muettes du poème puisent profondément en l’Homme et en rejaillissent en fleurs, vibrantes et vraies. Allez expliquer autrement pourquoi la SI puissante Chine à jeter au Laogaï l’humble Liao Yiwu ? Au prétexte qu’il avait écrit des poèmes ! pas même politiques… Chanter les fruits et les saisons dans un cloaque de pollution industrielle fait de vous un criminel, n’est-ce pas ?

 

« Licence » des poètes eux-mêmes donc, qui défient les lois morales et économiques, non point directement, mais en vérité. Le poète est par définition licencieux, car il ne se contente pas de ce monde, qu’il rêve d’ailleurs plus libre et plus vrai, mais aspire à tous les autres aussi, intérieurs ou à conquérir par l’imagination, qu’il nous donne à sentir, à respirer…

 

Cette nourriture est un contrepoison. Chez Hypallage, nous voudrions offrir un espace illimité à la poésie et avec elle aux poètes. Quant à vous, lecteurs, venez vous y ressourcer, humains et fiers de le demeurer.

 

 © Hypallage Editions – 2014

 

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