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OUVERTES À

LETTRES

L’Instant Lovecraft #666

Seconde lettre ouverte à François Bon

 

 

  Cher François Bon,

 

J’ai fait récemment votre connaissance grâce à Ahmed Slama, qui a signé sur le site d’Hypallage la première lettre ouverte à vous destinée, et je l’en remercie vivement. Voici la seconde, parce que je suis comme vous un admirateur de HP Lovecraft. Or, vous êtes le nouveau traducteur en français du « reclus de Providence »… Tout en tremblant, il me faudra goûter tantôt à la réévaluation de l’horreur lovecraftienne par votre traduction, après avoir connu celle de Papy, qui, à l’évidence, a pris un coup de vieux.

 

Les vidéos, L’Instant Lovecraft #x, remarquables, que vous dévoilez régulièrement sur la Toile retracent votre itinéraire à travers l’univers lovecraftien. Qui ? mieux que celui qui porte une traduction, est le plus apte à parler du Maître, de ce qui hante son œuvre, de ce qui forge son style ? Car vous tenez Lovecraft pour un grand styliste, ce qu’il est dans l’art de la fiction, ou, mieux encore, ce qu’il est absolument par la restitution littéraire d’un contexte d’horreur parfaite. Insurpassable. Borges y touche presque en pastichant le Maître dans une nouvelle où un menuisier doit s’acquitter d’une commande de mobilier domestique aux proportions aberrantes et… Et pourtant, beaucoup d’admirateurs de Lovecraft s’interrogent toujours sur ses moyens. À commencer par Houellebecq, auteur d’un essai emblématique sur le sujet, et qui déclare – inquiet ? – qu’ « il y a quelque chose de pas vraiment littéraire chez Lovecraft ». Michel Houellebecq poursuit en précisant : « J’en ai eu, depuis, une bizarre confirmation. Au cours de séances de dédicace, de temps en temps, des jeunes gens viennent me voir pour me faire signer ce livre. Ils ont découvert Lovecraft par l’intermédiaire des jeux de rôles ou de cédéroms. Ils ne l’ont pas lu […]. Pourtant, curieusement, ils souhaitent – par-delà les textes – en savoir plus sur l’individu, et la manière dont il a construit son monde. » (Houellebecq, préface de 1998 à son Lovecraft contre la vie, contre le monde).

 

Ce fut mon cas, non pour la dédicace, mais pour l’accès à l’univers de Lovecraft via le Jdr : L’Appel de Cthulhu produit par Chaosium aux USA et commercialisé en France via les Relais Jeux Descartes fut la porte d’entrée au monde de l’horreur ! Je me souviens très bien de ma première partie de jeu (si jeu il y eut ?!). Mon frère était le MJ, tandis qu’à deux joueurs nous enquêtions dans la campagne reculée de Nouvelle-Angleterre sur des sabbats nocturnes d’étranges créatures qu’un fermier proche du lieu concerné avait longtemps dénoncés sans succès de crédulité au bourg et qu’il ne supportait plus ; devenu paranoïaque, il nous reçut à coups de fusil, nous indiquant tout de même, alors que nous nous esquivions, du bout de son fusil de chasse la colline incriminée parmi le paysage vallonné… Rendus dans l’après-midi au sommet de Dunkan Hill (ou de quelques sonorités dans le genre), nous constations la présence d’un foyer large entouré de pierres curieusement établies (?!) qui circonscrivaient l’amas des cendres auxquelles des ossements non identifiables collaient. Notre conclusion n’eut pour toute formulation que celle que nous dictait la peur : nous revînmes, avant la tombée de la nuit, avec un lot de dynamite prélevé dans une carrière à proximité dont nous enfouissions au plus vite (mais en faisant gaffe quand même) les bâtons sous le foyer présumé des sabbats. Nous regagnâmes le bourg où nous logions à l’unique auberge pour être réveillés en pleine nuit par une déflagration tonitruante ! Malgré l’angoisse, nous nous étions endormis, fuyant l’inqualifiable défi diurne qui nous avait éprouvés. Le MJ nous demanda ce que nous comptions faire le lendemain, car il n’était pas question d’une excursion nocturne. Ce à quoi, la conscience du devoir accompli, même à travers une justice aveugle, nous déclarâmes que la partie était close. La peur nous avait contaminés au-delà de notre activité ludique…

 

Ce n’est que plusieurs années plus tard que je lus L’Appel de Cthulhu, puis que je suivis, haletant, L’Affaire Charles Dexter Ward

 

Ma question, car j’ai une question à vous poser, sera la suivante : peut-on concevoir l’œuvre de Lovecraft comme uniquement de pure imagination ? Subsidiairement, je vous demanderai de me dire si vous pensez vraiment que le matérialisme de Lovecraft fût absolu ? s’il n’existe pas une dimension réellement aberrante à sa quête onirique d’écrivain hanté par le Sommeil ? Je souhaiterais aussi connaître mieux la mystérieuse épouse de Lovecraft, la dénommée Sonia. Et, pour finir, toujours selon vous, j’aimerais savoir si Lovecraft fut un Initié ? Au sujet du Necronomicon, Michel Houellebecq note que « ce petit livre [sic] vise à semer le trouble dans les esprits… et y parvient. HPL était-il vraiment un initié ? »

 

Pour nous départager à propos de ce dernier sujet s’il fallait que nous en débattions sur des positions opposées, je verse ci-dessous au dossier un texte faisant part de mes propres recherches en ce sens. Je vous livre, tel quel, le chapitre que j’ai écrit au sujet de HP Lovecraft identifié comme un grand initié.

 

Dites-moi si cela vous parle ou non ? Si je suis un client pour les asiles que beaucoup de « héros » de Lovecraft fréquentèrent ou s’il existe positivement (ou plutôt négativement, très négativement) des univers parallèles insoupçonnés, dont la clef des portes d’ivoire ou de corne n’aurait pas été étrangère aux vertus apéritives du rêve chez le Haut Rêveur de Providence ?

 

Ci-dessous ma contribution à la compréhension de l’incompréhensible, s’il se peut :

 

Texte extrait du chapitre sur Lovecraft in Les Enlumineurs de cauchemars.

 

Arrrgh…

 

Dans sa démence l’étreignant, et comme possédé par son sujet… celui qui s’appelait Damien Saurel vous salue…

 

 

© Hypallage Editions – 2017

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