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OUVERTES À

LETTRES

Népotisme

Lettre ouverte à Audrey Azoulay

 

 

 

Madame le Ministre de la Culture,

 

Vous êtes grande, belle et intelligente ; et on ne vit que vous en robe longue de soirée et talons aiguilles escaladant les marches rouges en accordéon de Cannes ! Les autres, dans leurs toilettes, ressemblaient à de grosses meringues ou à de grands sparadraps, se coltinant leurs robes plus qu’elles ne les portaient, tantôt empêtrées dans de luxueux amas de jupons, tantôt momifiées dans des créations minimalistes, mais, à l’unanimité, toutes ayant l’air embarrassé d’être aussi connes. À moins qu’elles ne le soient tant [connes] qu’elles ne puissent s’en rendre compte ? C’est à croire que le seul rôle que les actrices ne sachent pas incarner est celui de femme du monde.

 

Ainsi, disais-je, ne vit-on que vous. Dans ce contexte de tapageuse fadeur, votre allure en devenait indécente. On peut estimer sans risque d’erreur que vous incarniez la Culture parmi ce parterre de parvenues.

 

Mais est-ce de la Culture de se pavaner VIP sur La Croisette derrière le cordon sanitaire policier déployé diligemment par votre sympathique collègue du ministère de l’Intérieur ? Ah ! j’allais oublier : l’art a toujours été au service du pouvoir, docile instrument de propagande insigne et de reliure sur tranche entre les mains des potentats. Le pouvoir est attentat contre l’Art, et l’art se laisse consigner dans ce rôle… assigner à domicile…

 

Halte ! L’art redevient rétif à vos mots d’ordre esthétiquement abjects et éthiquement douteux. Vous pouvez toujours, Madame le Ministre, arpenter les trottoirs cannois, si cela vous chante, assumer, avec plus ou moins de naturel, au nom de la Culture, la tâche d’une représentation forcée de votre haute idée légale de l’art ; vous pouvez encore discourir, depuis votre Palais royal, sur les vertus de l’engagement de l’État en faveur de la créativité en France, et, ne soyons pas chauvins, dans le monde ; vous pouvez enfin même plaire, que nous ne saurions, nous autres Poètes, vous dire autre chose sur la scène culturelle vermoulue de vos déplacements qu’un univoque : « INSOUMISSION ».

 

Ceci étant dit, je vous invite après vos harassantes obligations de fonction à quitter les oripeaux du luxe incantatoire de la haute couture, pour troquer contre cette parure « très socialiste » un simple et confortable pyjama à l’effigie du Che une fois chez vous ; vous avachir dans le sofa du salon et, d’un doigt agile… parcourir à l’écran de votre tablette la dernière lettre ouverte parue chez Hypallage Editions : Népotisme (non, ne cliquez pas, vous y êtes déjà !).

 

Qu’y lit-on en abîme ? Tout d’abord, une dénonciation : sous votre « prédécesseuse », Fleur, si tôt arrachée à son milieu de prédilection qu’on la dit fanée, déjà, la pauvre – à moins que ce ne fût sous sa « prédécesseuse » à elle ? –, la République osa prostituer la Culture en nommant une Castafiore sous les lustres de la Villa Médicis, qui en tremble de frayeur cristalline. Rien de trop beau, somme toute, pour recevoir la verroterie de la femme d’un ex-chroniqueur de la pédale devenu conseiller élyséen, que cet écrin : un palais qui surplombe Rome : la perfection toisant le sublime : visez un peu l’affiche ! Et à qui remet-on les clefs : à Madame la Maréchal Lefebvre !

 

La poissonnière dans tous ses étals transformerait volontiers l’institution en boutique s’il ne s’était levé face à elle sa propre bêtise pour la dénoncer à ses pairs qui l’ont mise derechef sous tutelle !

 

L’Institution culturelle, dont elle tient sa nomination, aura donc très vite opposé un refus buté au décryptage des rébus indéchiffrables de la tenancière, cette incarnation plénière d’une bêtise carnassière, larmoyante et déplacée. L’hôtesse établie et aussitôt démentie dans ses prétentions s’appelle Muriel Mayette-Holtz, dite MMH.

 

Marquons ici une minute de silence… puis, convenons que le nom de la nouvelle dirlo de la colonie romaine en impose…

 

« Casse-toi ! pauvre con[ne]. » Sans vouloir parodier un ancien joueur de la Ve, le juron m’aura échappé…

 

Madame Holtz a bénéficié du soutien, honnête, de son mari, lui même très ami avec Monsieur Valls : cette nomination a été estampillée sans la garantie du moindre bagage intellectuel, ladite nouvelle directrice ayant été un temps actrice de théâtre et une si pertinente dramaturge qu’elle fut assignée en justice pour cesser de déshonorer par ses mises en scène la mémoire de Koltès. Elle perdit, chose inouïe, le procès, et fut interdite de récidiver. Intraduisible. Ubuesque, le rire en moins. Et c’est à elle, aujourd’hui, que l’on confie (de porc) le plus prestigieux institut français à l’étranger !

 

Mais passons… me direz-vous ; et puis cela ne ressort pas de votre responsabilité, Madame le Ministre. Vous n’étiez pas en poste à ce moment-là…

 

Tiens, j’apprends que l’on vient de nommer, en passant, à la direction de la BNF une dénommée Laurence Engel ?… La connaissez-vous ?

 

Passons au crible son CV à celle-là encore. Oui, je sais, je fais du zèle…

 

Cette Laurence Engel, a-t-elle « majoré » les Chartes pour prétendre à ce poste ? Est-elle incollable sur les incunables ? Figure-t-elle parmi l’élite bigleuse à force de lectures savantes des bibliophiles compulsifs ? Non… Banalement, non… A-t-on voulu avec elle banaliser le poste ? le profil ? Ah, mais si, je devine : NÉPOTISME !

 

Laurence Engel, c’est la meuf au quidam qui se faisait cirer, reluire, avec glaçure en prime, les pompes sur mesure alignées dans les couloirs du pouvoir par les larbins de l’Élysée. J’ai nommé – sous les viva du Peuple de gauche ! –, l’inestimable et irremplaçable conseiller de la Présidence, Monsieur Aquilino Morelle, fort malencontreusement disgracié, et on ne sait trop par quelle injustice écarté des affaires, mais pas complètement, quand même, la Spanish connexion opérant encore par personnes interposées, tout de même, en sa faveur.

 

Le dossier vous est tombé dessus à votre entrée en service au Palais royal : sommée de valider cette nomination de convenance, et bien, vous avez… avalisé le choix de la créature du maquignon de Matignon. Bravo ! et re-viva du Peuple de gauche !

 

De la culture, ça ? Oui, certainement. Insistons pour vous donner entièrement raison, pardi. Ça, oui, parfaitement, pour de sûr, c’est de la culture… politique !

 

Et vlan ! Les Poètes jaillissent à l’improviste ! D’où sortent-ils, ceux-là ? De quels cocktails mondains ? De quels vernissages subventionnés ? De nulle part et de partout à la fois, mais ils existent. Vous les aviez oubliés (vos services sont vraiment incompétents) ; vous avez fait l’impasse sur leur rééducation aux normes culturelles républicaines en vigueur. Mais seriez-vous parvenue à les acheter, cher, à les torturer minables dépressifs je me tais je m’alcoolise sous la pression normative ? Tout cela a été tenté, en vain. Au final, vous avez vos propres fèces sous le nez violemment renvoyés à leur tube digestif d’origine. Beurk !

 

Oui, c’est la guerre : l’Art entre en guerre contre la République bananière des lécheurs de bottes franquistes ou de royales babouches chérifiennes !

 

Et ce connard de Platon qui voulait évincer, interdire de séjour les Poètes dans sa cité idéale, tout de suite, pour de bon, une fois pour toutes, nous lui disons, Nous, les Poètes, un retentissant mot de Cambronne plombé, dopé, sublimé d’un R rageur supplémentaire : eh, MERDRE !

 

Sur cette pirouette jarryesque, me lassant vite des politesses, je prends momentanément congé de vous, Madame ; seulement congé, car à l’appel des brigades garibaldiennes des arts et lettres, je reste vigilante, et, fusil d’assaut épaulé langue pointée, je vous garde dans ma ligne de mire… Si la formule devait vous inquiéter, n’hésitez pas à inviter les RG à filer… la métaphore.

 

L’Art vous fait peur, n’est-ce pas, despotes ? C’est normal. L’art véritable est l’antidote à la servilité.

 

Avec mon respect, hypocrite, cela va sans dire, veuillez agréer, Madame le Ministre, mes sentiments les plus délétères, et recevoir mes vœux les plus éphémères pour la suite de vos fonctions ministérielles.

 

Alexandra Lampol-Tissot,

pour Hypallage Editions

 

 

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