Accueil

Retour

Qu’est-ce que le « théâtre » ?

 

 

À l’instar de la Poésie, pour la présentation de laquelle nous avions retenu l’alexandrin comme absolue référence, nous aborderons la question de la définition du théâtre par la règle « classique » qu’en a laissé Boileau :

 

« Qu’en un lieu, qu’en un jour, un seul fait accompli

Tienne jusqu’à la fin le théâtre rempli »

(Art poétique, Chant III)

 

Et ceci s’explique aisément si l’on se réfère ensuite à la tâche qui incombe au metteur en scène et aux acteurs d’incarner le texte, sans oublier la question primordiale du déplaisir ou de l’adhésion des spectateurs en regard des scènes déployées dans l’enceinte du théâtre.

 

• « Qu’en un lieu », évite au décorateur et aux techniciens du spectacle d’avoir à démonter ou mettre en place des éléments de décor dont les permutations arracheraient à leur rêverie les spectateurs ; l’articulation du décor, dans la circulation de ses éléments et accessoires, doit rester transparente de crainte de soustraire le spectateur au transport de l’illusion.

 

• « Qu’en un jour », permet de calquer le temps du jeu sur scène avec le temps intérieur des spectateurs, ou du moins de l’approcher au plus près psychologiquement ; l’étant temporel des personnages et celui de l’auditoire correspondant en un écho respiratoire parfait. Comment voulez-vous adhérer quand :

« Sur la scène en un jour renferme des années :

Là souvent le héros d’un spectacle grossier,

Enfant au premier acte, est barbon au dernier » (ibid.)

Mesurez ainsi la difficulté qu’il y a à mettre en scène des pièces comme Le Soulier de satin de Claudel : « Onze heures de spectacle. Onze heures enfermé dans un théâtre, entre loge et plateau. Onze heures d’une course folle à travers le verbe claudélien. Le temps des « quatre journées » qui composent Le Soulier de satin, Philippe Girard endosse à nouveau le costume de Rodrigue dans la mise en scène d’Olivier Py » (Didier Méreuze, Philippe Girard, marathonien du Soulier de satin, in La Croix, 23/03/2009). On souhaite bon courage aux acteurs comme aux spectateurs !

 

• « Qu’un seul fait accompli », indique que l’intrigue pour être intense doit rester simple, c’est-à-dire complète, trouvant en l’intime de chacun des spectateurs sa complexité et la prolongation qui en découlera.

 

À ces trois règles d’unité de lieu, de temps et d’action s’ajoute « classiquement » celle de la bienséance : on ne doit point heurter de front la sensibilité du public de peur de perdre aussitôt son adhésion au projet théâtral. Idéalement, le théâtre classique établit un compromis entre émotion et respect ; bien mieux, avec ses productions les plus éclatantes, les plus accomplies, il accompagne respectueusement notre émotion. L’émotion, malgré son intensité, et sans qu’on ait porté atteinte à son intégrité, est transmuée en bien. Et si Boileau parle « d’une douce terreur » et d’« une pitié charmante » dans le cours de la tragédie, selon La Harpe il faut entendre ici « que la terreur et la pitié doivent avoir leur charme et leur douceur, et que, quand nous nous rassemblons au théâtre, ces impressions mêmes qui font le plus de mal doivent pourtant nous faire plaisir, parce que, sans cela, il n’y aurait aucune différence entre la réalité et l’illusion. »

 

L’adhésion n’annule pas la mise à distance, bien au contraire elle en assure le mirage. La raison du spectateur si elle accepte d’être trompée n’exige pas moins de l’être avec vraisemblance.

 

« Un merveilleux absurde est pour moi sans appas :

L’esprit n’est point ému de ce qu’il ne croit pas.

Ce qu’on ne doit point voir, qu’un récit nous l’expose :

Les yeux en le voyant saisiraient mieux la chose ;

Mais il est des objets que l’art judicieux

Doit offrir à l’oreille et reculer des yeux. »

(Nicolas Boileau, Art poétique)

 

Cela vous apparaîtra évident avec des exemples : voyons la question de la représentation du meurtre sur scène. Si notre adhésion jusqu’alors était acquise, la mise à mort d’un humain nous sortirait de notre douce torpeur et, soit nous rendrait le spectacle tout à coup vain, ou plus incroyablement encore insoutenable. Dans les deux cas, la magie serait brisée. De là vient que la répétition des scènes de meurtre dans le Caligula de Camus est fastidieuse ou grotesque : strangulation de la maîtresse dans une étreinte qui dégénère avec son tyrannique amant, assassinat d’un vieux sénateur jeté bas sur le plancher, – qui nous laissera soit de marbre soit nous le fera quitter –, à coups de fiole brisée dans la bouche de l’infortuné par l’empereur sadique juché sur lui et l’accablant mortellement, ou encore le massacre final à grand renfort de poignards du tyran par les conjurés n’en pouvant plus (tout comme les spectateurs !). À cela ajoutez qu’avant de mourir Caligula parle à son miroir, soit trop petit pour que le public saisisse l’enjeu du dialogue entre le « Je » et son « Double », soit trop grand et renvoyant en même temps que la scène l’image de la salle !

 

Le contexte de l’époque, également, est à prendre en compte : la figure du Maître du monde, même issu de l’Antiquité, au lendemain de l’effondrement du IIIe Reich et de son dictateur dément, ne peut plus être interprétée comme une simple expérience, à laquelle l’absurdité de l’existence humaine donnerait droit. Il y eut donc un Caligula d’avant et d’après-guerre, une réécriture de l’œuvre à laquelle s’astreignit en toute justesse Camus : Caligula ne devait pas évoquer Adolf. Mais le doute que suscite la pièce ne nous semble pas pour autant levé… et le beau visage du premier interprète du rôle de Caligula, en l’occurrence le jeune et charismatique Gérard Philipe, ajoute à l’ambiguïté et concourt au malaise qu’elle induit. L’exposition expérimentale du Mal à la scène ne saurait être absurde. Nous récusons ici l’intention terroriste d’Antonin Artaud d’édifier un « Théâtre de la Cruauté », ou la violence gratuite se substituerait au Verbe et la folie à l’intrigue. Du reste, l’actrice fétiche du dramaturge fou, Colette Thomas, n’y résistera pas. Sa langue finira par se déliter en blocs épars indiscernables et inaudibles à l’entendement : on l’enferma à son tour, définitivement.

 

La pièce et son interprétation deviennent alors dangereuses, comme dans l’exemple suivant, ou sexualité et crime racial s’entremêlent dans le contexte explosif d’un Sud en proie au fanatisme du KKK (Ku Klux Klan) :

 

« On venait de Saint Louis, de Cairo et de La Nouvelle-Orléans pour entendre un véritable nègre dans le rôle d’Othello, on venait d’encore plus loin et pourtant, du plus loin qu’on fût venu, nul ne restait indemne devant le commun égarement. Les femmes les plus blanches et les plus froides des États-Unis, les épouses des banquiers de New York, les filles des magistrats du Wyoming et des fermiers du Nevada, fondaient toutes ainsi que des cierges à la chaleur diabolique et dans les replis veloutés d’une voix caressante comme une main de guenon. Dès le second acte, les moins molles d’entre elles avaient pris la consistance de la guimauve bien sucée, et le mélodieux taureau noir, fascinant dans la parure ambiguë d’une courte robe pourpre ouverte largement sur son torse nu, d’un collier d’or et de boucles d’oreilles, supplantait pour toujours toutes les images adamiques, en forme de boxeurs, de hussards ou de gorilles, que les jeunes filles savent évoquer par une douce pression du doigt à travers la paupière sur les globes de leurs yeux fermés.

À la fin du quatrième [acte], Gabalus [l’interprète d’Othello] étranglait Desdémone, en la traînant par terre avec tant de violence que l’on entendait sonner des milliers de pendeloques aux lustres attachés sous les poutres de sycomore portant le plafond du Dreamhall ; pas une spectatrice, alors, qui ne laissât courir dans sa chair, avec les frissons ultimes, un entier abandon au bourreau ténébreux de la blonde héroïne assassinée sur les planches.

Le rideau tombait, les applaudissements croulaient du haut en bas des fauteuils comme un banc claquant de dorades vomies par le chalut sur un pont de navire. Gabalus, s’il se fût présenté à la sortie, le zèle de ses admiratrices eût dispersé les morceaux de son corps aux quatre vents ; mais le nègre usait d’un stratagème pour décevoir les femelles attroupées.

[…] Alors de très vieilles Cadillac, bleues ou vertes comme des mouches à viande et vastes comme des péniches, sortaient de leurs garages à toute vitesse, viraient au ras des trottoirs dans un vrombissement de pneumatiques, faisaient à travers les avenues de la ville une course effrénée en emportant vers les plages désertes du haut Mississippi chacune son plein chargement de femmes blanches hurlant autour d’un jeune nègre étranglé de bâillons et de liens. […] Bientôt, les avenues conduisant aux faubourgs retentissaient d’un galop laineux, le gaz baissait dans les réverbères, les portes se verrouillaient à double tour, les volets se fortifiaient de barres transversales, les judas, les chaînes de sûreté grelottaient partout avec des bruits de revenants. Puis envahissait la campagne un grand flot de cavaliers revêtus de suaires percés de trous à la place des yeux, et ces rapides formes blanches, qu’accompagnaient de leurs bonds des chiens féroces dressés sans aboiement, à la manière des loups, brandissaient au-dessus de leurs têtes des feux, des fouets, des médailles à dents-de-scie, des couteaux qui brillaient aux lueurs.

Les cabanes des nègres flambaient comme des fourmilières arrosées de pétrole, tandis que leurs habitants, réfugiés depuis le crépuscule au plus profond d’épineux fourrés ou grimpés dans les arbres touffus, suivaient avec épouvante les progrès de la chasse ; trahis souvent par leurs propres chiens : de pauvres bâtards que les vigilants missionnaires s’amusaient à tremper dans l’essence, puis enflammaient, et qui couraient chercher secours près de leurs protecteurs habituels, indiquant ainsi d’un trait de feu la direction des cachettes.

Je me demande, d’ailleurs, en cas de prise, aux mains de qui l’on eût souhaité à ces malheureux Noirs de tomber, et s’il était moins redoutable pour eux de servir d’objets aux plaisirs des femmes qu’à la vengeance des hommes. […]

Il est probable que Gabalus n’ignorait aucun détail des horribles cérémonials ni des transports cruels que son apparition aux lustres du Dreamhall avait instaurés dans les clairières proches de la ville, sur le sable des îlots vagabonds et le long des berges du fleuve, mais je ne crois pas qu’il ait jamais compati vraiment aux souffrances de ses frères de race. Plus encore qu’un chanteur, c’était un comédien né, uniquement soucieux de remplir son rôle à la perfection, d’exceller par-dessus tous ses rivaux et de prendre toute la faveur de la salle, ce qui implique que les assassinats valaient pour lui des applaudissements, quand ils étaient le produit de la trop parfaite efficacité de son jeu » (André Pieyre de Mandiargues, Le Musée noir).

 

Le théâtre est un lieu clos, pour faire bonne mesure à l’art et le garder des débordements qu’excite le monde extérieur.

 

« Que le trouble, toujours croissant de scène en scène,

À son comble arrivé se débrouille sans peine. » (Boileau, ibid.)

 

Et nous entendons ici le mot « peine » employé par Boileau dans les deux acceptions du terme : sans « difficulté », sans « heurt » (transition du sens), et sans « mal » (dénouement heureux pour les spectateurs et les acteurs, même s’il ne l’est pas dans la pièce pour tous les personnages).

 

Le théâtre ne devrait pas être le lieu d’une prise en otage des spectateurs ou d’une tentative d’expérience faite à leur insu. Ce stratagème tient davantage de la supercherie que de l’art véritable. Cependant, des pièces conçues au préalable comme des farces n’en sont pas moins devenues des « classiques ». Nous pensons ici à l’Ubu  d’Alfred Jarry, où le chahut de la générale fit place dans le temps à une « canonisation » du personnage éponyme. Exciter une salle nous sera apparu avec le cas du Dreamhall Theater comme un exercice périlleux et non pas sans danger pour autrui. L’excitation n’est à prolonger que le temps du spectacle, et du spectacle uniquement ; ce que su, prodigieusement, funambule atroce et roublard, faire l’exceptionnel Jarry :

 

« La première d’Ubu roi était proche (novembre ou décembre [18]96, autant que je me rappelle). « Le scandale, disait Jarry, devait dépasser celui de Phèdre ou d’Hernani. Il fallait que la pièce ne pût aller jusqu’au bout et que le théâtre éclatât. » […]

Le grand jour arriva ! […] Après les trois coups frappés, Jarry parut devant le rideau, très fardé, en chandail et sans faux col, s’assit devant une mauvaise table, à demi recouverte d’une sorte de serpillière, lut, ou plutôt bredouilla, d’une voix morte et de façon inintelligible, quelque chose d’aussi effacé que sa silhouette ; et, sur le même ton, termina par ces mots : « la scène se passe en Pologne, c’est-à-dire nulle part ».

Cela n’était pas gentil pour les Polonais !

Aucune réaction ! Pas d’applaudissements ! Nul sifflet ! ça commençait plutôt mal !

La toile se leva. Il n’y avait pas de décor. Un personnage à barbe et cheveux blancs interminables, « le Temps » que l’on nous dit être l’acteur Lugné-Poe, promenait un écriteau, décrivant appartements ou paysages, la steppe parcourue par les armées, couverte de neige, et hantée des ours.

Les personnages principaux portaient des masques dont le faux nez leur contractait les narines, de façon qu’ils eussent l’enchifrènement du rhume de cerveau qui fait dire « badame » pour « madame », « ibbonde », pour « imonde » ; ou plus encore, l’accent, le hennissement puritain et claironnant des passagers du Mayflower.

Mais, lorsque le premier mot de la pièce, le « Maître Mot », retentit dans la bouche du Roi Ubu, articulé et sonorisé par l’« r » de supplément, profondément embrené cependant par l’accent nasal, l’assistance, frappée à la poitrine et au nez, réagit comme un seul homme. Désormais les personnages s’agitèrent et parlèrent en vain ; le spectacle fut dans la salle même.

On entendait : « ouigre congre ! », « mangre cochon ! », « signe trrourr du crull », « outre, bouffre », « bouffresque ! », « C’est sublime ! », « C’est plus fort qu’Eschyle ! », « Tas d’idiots ! vous ne comprendriez pas mieux Shakespeare ! », « Vous avez sifflé Wagner ! », « Silence aux petits pâtissiers ! ». (Ces petits pâtissiers, fervents de Déroulède, avaient, quelques années auparavant, joué un rôle décisif dans les manifestations contre Lohengrin.) Dans une loge, un homme vêtu d’un justaucorps violet, barbe bleue, cheveux crespelés, très noir, lança, par deux fois : « Ohé ! les races latines ! ohé les races latines ! » Quelqu’un dit que c’était le Sâr Péladan. Un autre assura que c’était Dorado. « Qui ça, Dorado ? » « Le Roi des Incas ! » Au milieu de nous, Sosthène avait immensément grandi ; flamme ou démon, […] il proférait des menaces et des insultes en chinois et en arabe et des ses bras infinis en paraissait saupoudrer les fauteuils. Ceux-ci, exaspérés, menacèrent de « venir nous secouer les puces ». […] Sior Carlo avait tiré du fond de ses paupières inférieures sa paire d’yeux noirs, malicieux et méchants, et les promenait sur la foule […] ; Fuchaire étendait et repliait les bras, en grimaçant et sifflant selon la coutume, et comme s’il eût fait des haltères. Au milieu de nous le Père Ernest affleurait au balcon, comme à la terre de son Cantal une lame de granit bleu. Parfois il tendait vers la scène ses deux ailerons minéraux et de sa voix pétrée disait : « Pourquoi ? pourquoi ? » Puis il reprenait la rumination de ses châtaignes natales. « Mais pourquoi ces cris, ce tumulte ? De quoi s’agissait-il ? » Sans doute en était-il toujours ainsi dans les réunions publiques. Il avait entendu dire que la pièce parlait d’un roi et aussi d’une guerre en Russie. C’était donc là une affaire entre républicains et royalistes, dreyfusards et antidreyfusards, partisans et adversaires de l’alliance russe. Qui l’emporterait ? On ne le saurait qu’aux prochaines élections ! […]

Quelquefois, au milieu du vacarme, Gémier-Ubu venait brusquement à la rampe et clamait le « mot ». Celui-ci, porté par ses roues ou ses ailes sonores, s’étendait sur la salle comme une gigantesque chauve-souris. Il en résultait une si forte présence que le silence se faisait et que les applaudissements éclataient, unanimes.

Le rideau tomba ainsi sur la fin du premier acte.

[…] Le vacarme reprit dès le début du deuxième acte, et l’on comprit que la représentation n’irait pas beaucoup plus loin. Certes, nous avions grand désir d’acclamer Cremnitz dans le personnage de l’ours ; mais il fallait renoncer à cette espérance. Désormais nulle réplique ne pouvait être entendue. L’ire du public avait grandi. La vague déferlante et la masse des clameurs accablaient les acteurs. Il arrive un instant, dans le typhon, où la boussole, chavirée, perd le sens des pôles. La Mère Ubu tournoyait sur elle-même ; j’entendis une voix lui crier : « Tu es saoule, salope ! » et l’« extra » de Mme Ernest voltigea sur la scène devant mes yeux : « u-ne-sa-lo-pe-de-veau-pour-Monsieur-Jarry-u-ne ! »

Gémier Ubu roi, majestueux, vint, une dernière fois, à la rampe, leva, de dessus son noble visage, le masque en poire triangulaire qui obturait son nez et, cette fois, d’une voix claire, roulant comme le tonnerre et les tambours, impérieuse comme celle d’Hercule entrant chez Augias clama :

« Merrrrdrrrrre. »

Puis, son masque à la main, déclara :

« La pièce que nous venons de représenter est de M. Alfred Jarry ! »

Et le rideau tomba pour ne plus se relever !

Il y eut quelques accrochages à la sortie, échange du « mot » et de quelques coups de poing, mais en somme plus de rigolade que de fureur » (Georges Rémond, Souvenirs sur Jarry et quelques autres).

 

Quelques horions donc, mais point de meurtre, pour le coup ! Toutefois, il faut blâmer toute licence dans le cas où l’on manquerait de moyens autres de capter l’attention et de créer l’évènement. La provocation ne saurait tenir lieu de règle à elle seule. En l’occurrence, le spectacle valait plutôt pour la personnalité hors-norme du personnage d’Ubu, ce qu’avait bien alors capté la grande Rachilde :

« Les critiques impartiaux eurent tout de même, dans ce bouleversant tapage, la vision d’un type nouveau […] de Guignol-tyran, à la fois bourgeoisement poltron, lâchement cruel, avare, génialement philosophe, tenant par sa grandiloquence de Shakespeare et par son humanité primitive de Rabelais. On put deviner, dans son créateur, ceux qui savent lire, un érudit puisant aux bonnes sources, connaissant parfaitement ses classiques, grecs, latins ou français. » (Alfred Jarry ou le Surmâle des Lettres).

 

Concluons en déclarant que le théâtre est un « art vivant » : à une époque (la nôtre) où les relations et les échanges transitent de plus en plus à travers les écrans, le théâtre offre le vertige d’une présence physique, d’un corps à corps tangible, d’une voix suffocante car portée par une force incarnée sur scène devant soi !

 

Et n’oublions jamais que les spectateurs sont les instruments de musique avec et sur lesquels jouent les acteurs, à partir d’une partition (écrite par l’auteur de la pièce, déjà loin dans les esprits lorsque commence le spectacle) qu’interprète le metteur en scène, chef d’orchestre invisible, mais prégnant. À toute cette dramaturgie il faut encore un espace, et c’est le directeur de théâtre qui en prête le lieu sur mesure. Et vous tenez ensemble tous les protagonistes de cet art hautement risqué, car paradoxalement incarné.

 

© Hypallage Editions – 2014

 

Catalogue Théâtre

^